Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Une autre vision de l’amour
Allez, il sera dit que c’est la grande saga de la rentrée. Certains sans doute penseront que c’est une obsession chez moi. Pourquoi pas, après tout ? De toute façon, je me soigne, j’essaie de ne pas suivre l’exemple des cordonniers. Et puis, c’est déjà un motif de consultation fréquent, ça l’est encore plus durant les périodes de rentrée, et particulièrement cette année. La faute à une météo estivale exécrable ? La vacance des mois d’été propice aux remises en question ? L’hyperactivité de la rentrée qui bouscule tout ? La crise financière ? Bref, je vais encore parler d’amour, et ce n’est pas terminé !
Hier je lisais un entretien qu’une écrivaine sarde a accordé à un grand quotidien (français). Tout à coup elle raconte que l’on ne dit pas “ti amo” en sarde, exact équivalent du “je t’aime” français, mais quelque chose qu’elle ne précise pas plus et qui signifie “je décide que tu es digne d’estime, que tu mérites mon attention”. Et puis elle ajoute : « tu peux aimer quelqu’un qui ne le mérite pas, tu peux décider d’aimer seulement quelqu’un qui le mérite ».
Je trouve cette vision intéressante parce qu’elle objective l’amour et en fait un acte responsable qui me semble en prévenir ou permettre d’en réguler les souffrances éventuelles. Après tout, ce n’est pas très logique de souffrir d’amour. Est-ce bien l’amour d’ailleurs qui nous fait souffrir dans les relations amoureuses ? Toujours est-il que cette autre vision objective l’amour sans pour autant lui enlever son caractère subjectif, alors que la plupart du temps on ne retient que la dimension subjective et implicite de l’amour (“l’amour a ses raisons que la raison ignore”). Et c’est bien pour cela qu’on souffre par amour, parce qu’on n’y comprend rien ou presque. Quoi de plus angoissant en effet que de ne pas comprendre ce qui se passe, que d’être ballotté par les événements ? En amour, on se comporte bien souvent comme des aveugles qui sous prétexte qu’ils ne voient rien considéreraient qu’il n’y a rien autour d’eux.
Si l’amour est un sentiment, il doit aussi avoir des raisons qui tiennent compte de notre singularité et de celle de l’autre, d’où le “tu es digne d’estime (pour moi)” ou “tu mérites mon attention”. Et l’on touche alors à la réciprocité (parce que je suis moi et parce que tu es toi) et à la communalité (on ne peut partager qu’avec ceux qui portent en eux des valeurs proches des nôtres). Cet amour-là peut être épanouissant et durer longtemps parce qu’il est juste.
Cela m’a fait penser à un roman d’Erri de Luca, un écrivain italien qui n’est pas sarde, intitulé Trois chevaux. Le narrateur explique qu’à un certain moment de sa vie il a décidé d’arrêter d’aller « d’amourette en amourette », qu’il a décidé d’attendre la personne qui lui était destinée, que trop de gens se résignent à aimer quelqu’un d’autre parce qu’ils ne savent pas reconnaître cette personne, « ils sont sages », ponctue-t-il assez cruellement. Il ajoute qu’il ne connaissait pas le visage, les traits, l’apparence, la forme de cette personne mais qu’il savait pourtant qui elle était ; qu’il apprenait à décrypter les visages d’une foule en un clin d’œil. Il parle encore de patience, « d’attente à vide », « sans traces d’angoisse et sans bavures d’espérance ».
Photo : ce n’est pas Trois chevaux, c’est Un âne, on fait ce qu’on peut !
vendredi 30 septembre 2011