Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Coups de tête
Sommes-nous faits pour vivre ensemble ? Telle était la question posée lors du dernier Café Psy. Faisant partie de la grande famille des mammifères, dont l’essence même est de vivre en groupe, nous serions tentés de répondre un peu rapidement : oui pour sûr ! Pourtant, les conflits jusqu’aux plus terribles jalonnent et continuent de jalonner l’histoire de l’humanité ; les relations quotidiennes dans le monde du travail n’ont jamais été aussi tendues (pour preuve, entre autres, cette formation que l’on m’a demandé d’animer depuis deux ans : “Travailler avec les personnalités difficiles”) ; les séparations amoureuses n’ont jamais été aussi nombreuses et fréquentes ; « Famille, je vous hais » tonnait déjà l’écrivain André Gide. Seraient-ce nos très lointaines origines reptiliennes (autrement dit notre part la plus archaïque et la plus animale) qui referaient surface de temps à autre ?
Sans doute notre humanité nous échappe-t-elle encore un peu trop, en effet. Il ne saurait y avoir de bien vivre ensemble sans un minimum d’amour. Et qu’on appelle cela le respect (au sens étymologique du terme : observer de nouveau, donc avec bienveillance), la compréhension ou la fraternité, c’est toujours, finalement, un tant soit peu une question d’amour, qui trouve son expression la plus forte, bien sûr, dans la vie de couple. Platon nous disait déjà qu’il ne peut y avoir de pensée («d’énergie d’idée») sans l’expérience de l’amour. «L’amour est une pensée» écrivait Fernando Pessoa comme en écho, et Alain Badiou, philosophe contemporain, donne cette définition de la pensée, qui peut se confondre avec l’amour ou la vie même : «l’exposition au réel d’une altérité». Et le développement de la pensée n’est-il pas le propre de l’être humain ?
Alors, bien sûr, on ne peut pas aimer n’importe qui, mais on peut au moins respecter (donc aimer un petit peu) celui qui croise notre chemin, et qu’on se contente de le respecter ou qu’on aille jusqu’à l’aimer infiniment, nous serons de toute façon, et plus souvent qu’il n’en faut, exposés à la réalité de son altérité, autrement dit à ce qui nous est étrange ou étranger et qui l’anime. Et l’on peut comprendre que nous rebroussions chemin : quel danger que l’étrange ou l’étranger! Se confronter à l’autre, c’est se confronter à ce qu’on aime, mais surtout à ce qu’on n’aime pas, à ce que l’on verra comme des défauts, mais en définitive à ce qui s’avère être NOS aversions, NOS intolérances, NOS principes, NOS a priori, censés nous protéger mais dont l’inconvénient majeur est de ne pas avoir été pensés mais dispensés par notre éducation ou notre culture. Parfois même, nous pourrons finir par oublier ce que nous aimons ou apprécions chez l’autre ou nous ne l’observerons et ne le verrons même pas ou plus. Vivre ensemble demande de penser et repenser tout cela en permanence. La joie qui peut en découler suppose donc, comme l’écrit si bien Alain Badiou, « l’infini d’une pensée», et «c’est une aventure obstinée» que cette expérience-là ! On est loin de « l’amour a ses raisons que la raison ignore ». On ne peut tout de même pas être totalement ignorant de ce qui nous appartient !
Et n’oublions jamais les trois dimensions fondamentales de toute relation humaine, qui laissent la place à toutes les formes de relations possibles, dont je m’étais déjà fait l’écho ici même :
1.le droit de singularité ;
2.le devoir de réciprocité ;
3.la nécessité de communalité.
C’est toujours au moins l’une des trois qui fait défaut quand les ruptures s’esquissent.
Le “vivre ensemble”, comme l’“amour” qui en fait partie et en serait la suprême expression, tel un sommet himalayen, n’existe que s’il est pensé et repensé par chacun d’entre nous. C’est donc toujours une question de tête. Mais il y a plusieurs manières de jouer ses coups !
Photo : sculpture immortalisant le coup de tête de Zidane à Materazzi lors de la finale de la Coupe du Monde de Football 2006, exposée devant Beaubourg...
mercredi 14 novembre 2012