Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Réalité de l’amour
Nous n’avons pas tant parlé d’amour que d’éducation lors du dernier Café Psy, alors même que la question posée était : «Doit-on aimer ses enfants ?». J’y vois là une preuve, s’il en est, que lorsqu’on libère la parole, on touche toujours à une certaine réalité si ce n’est vérité, en l’occurrence que l’amour ne correspond pas à l’image idéalisée ou étriquée qu’on s’en fait le plus souvent et qu’il est beaucoup plus réel et beaucoup plus large que les simples sentiments qu’on lui prête habituellement.
Car même si nous n’avons pas tant parlé d’amour, j’ai entendu beaucoup d’amour dans les différents témoignages exprimés. Le plus marquant pour moi aura sans doute été celui de cette mère qui nous a confié avoir mis son fils de 18 ans à la porte, parce que la vie avec lui devenait impossible et qu’elle ne savait plus que faire depuis quatre ans pour l’inciter à s’exposer au réel de la vie, réfugié et enfermé qu’il était dans l’alcool et le cannabis ; mais non sans lui avoir laissé la porte ouverte. Et si éduquer, dans la relative rudesse que cela suppose parfois, était aussi de l’amour, moins évident mais d’autant plus réel et profond ?
Éduquer, littéralement “mener hors de”, son état d’enfant, son égo, sa réalité particulière, trop limitée et singulière pour faire face à celle beaucoup plus vaste et plurielle du monde, et vivre vraiment. Oui, il faut de la rudesse parfois, qui n’exclut pas la tendresse mais impose de se situer en dehors de la satisfaction des besoins ou plaisirs immédiats, pour nos enfants comme pour nous-mêmes, les parents. Avoir ce courage-là, ce cœur à l’ouvrage (le mot courage vient du mot cœur, en effet). Car il ne faut jamais oublier que si nous sommes leurs parents, nous sommes là pour les faire grandir et les préparer à vivre dans ce monde, voire pour leur ouvrir les possibilités de le pérenniser en le faisant évoluer, leur permettre de risquer cette liberté, et non pour être aimés d’eux. Peut-on aimer vraiment si l’on a quelque chose à perdre ?
Oui, il faut peut-être que le parent que l’on est se le répète plus souvent qu’il n’en faut pour exercer véritablement sa responsabilité : «je ne suis pas là pour être aimé ; je suis là pour l’aider (et non l’assister) à devenir». Mais en ayant toujours en tête que l’esprit des enfants n’est pas encore apte à la nuance et à la relativité, et qu’il peut être enclin, beaucoup plus encore que les adultes, à confondre “ne pas être satisfait” avec “ne pas être aimé”. Alors, bien sûr, il faut manquer le moins souvent possible l’occasion de lui rappeler cette distinction, et toujours l’encourager justement, dans l’affrontement de difficultés qui ne manqueront jamais. La vie est faite de ce mélange : le plus ou moins facile avec le plus ou moins difficile, l’un n’allant pas sans l’autre. Et c’est bien évidemment le difficile qui demande du courage, auquel la satisfaction n’est jamais spontanément associée. Et le courage ne va pas sans la peur.
Doit-on aimer ses enfants ? revient alors surtout à se demander Pour quoi faire des enfants ?, d’autant plus à l’heure où nous avons les (presque) pleins pouvoirs de ce choix. Et mieux vaut, bien sûr, se poser la question avant. Après, nous n’avons plus le choix, justement. Car seule reste alors la responsabilité, incontournable. Et l’amour commence sans doute, s’enracine, qu’on le veuille ou non, dans cette prise de responsabilité-là. Nul besoin d’aimer ses enfants au sens idéalisé et superficiel où on l’entend le plus souvent, mais fuir cette responsabilité-là, trahir cet engagement, c’est nier le fond de l’amour même, sans quoi il n’y a plus de vie réellement possible.
Photo : à l’intérieur du magasin m&m’s de Manhattan
lundi 17 décembre 2012