Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Être
On est : un homme, intellectuel, un animal, un humain, un mammifère, hétérosexuel, dilettante, affectif, individualiste, de sexe masculin, altruiste, solidaire, indépendant, un père, un fils, compétiteur, prévoyant et prévenant, un amant, un ami, réservé, observateur, un conjoint... mais, dans tout cela, qu’est-ce qui relève de la nature et qu’est-ce qui relève de la culture ? Autrement dit : qu’est-ce qui s’impose à moi, qui m’est donné, et que personne n’a décidé pour moi, pas même moi, d’une part, et qu’est-ce qui s’impose à moi, qui m’est inculqué, et qui émane de représentations individuelles et collectives, d’une morale, d’autre part ?
« Les fausses directions abondent» écrit Philippe Sollers dans Une vie divine, « voilà pourquoi la plupart des humains deviennent ce qu’ils ne sont pas » (cela ne semble pas concerner les animaux apparemment). « Car ça, c’est vraiment toi » reprend la chanson en chœur, « ça se sent que c’est toi ! » On n’apprend pas à sentir, surtout pas moi ! Ce serait égoïste, et on n’aime pas l’égoïsme. Mais la haine de l’égoïsme relève-t-elle de la nature ou de la culture et de nos représentations, de notre morale ? Comment apprendre à sentir moi, et par la même occasion à sentir toi, sans un égoïsme fondamental ? « Je est un autre » écrivait Rimbaud. Le problème de l’égoïsme n’est pas tant l’égoïsme que l’impossibilité de l’altruisme, et il n’est pas dit que l’égoïsme en soit le responsable, il faut voir ; tout comme le problème de l’altruisme est l’impossibilité de l’égoïsme : «je n’en peux plus» lâche en s’asseyant enfin, épuisée, une infirmière qui se voue corps et âme à ses patients, en s’oubliant. Tellement qu’elle devra observer un arrêt maladie et ne plus se trouver au chevet de ses patients pour quelque temps, qui la réclament à cor et à cri !
« On ne naît pas femme, on le devient » écrivait encore Simone de Beauvoir. C’est sûrement tout aussi vrai pour les hommes. Ou pas, car je peux être de sexe masculin sans me sentir homme, et il me faudra avoir résisté depuis tout jeune à la culture masculine ambiante, d’une manière ou d’une autre, et en aurai-je été capable ? Dans tous les cas, la question demeure : où est moi ? Ce moi de sexe masculin qui n’est pas homme mais peut le devenir, malgré lui.
Mais après tout, pourquoi devenir ce qu’on est ? Sûrement parce que si on ne devient pas ce qu’on est, on risque de devenir ce qu’on n’est pas, et alors — la chanson a encore raison — « quelque chose en [moi] ne tourne pas rond » : mal-être, déprime, démotivation, dépression, lassitude, tristesse, fatigue sont les symptômes les plus fréquents de ce “non-devenir” ou de ce “devenir autre que moi”.
« Puisses-tu devenir qui tu es en l’apprenant » déclamait le poète Pindare cinq siècles avant JC, le premier à avoir perçu clairement le dilemme. Depuis, il y a eu la psychanalyse et les neurosciences, qui aident à développer l’égoïsme fondamental, mais non pas exclusif, surtout pas (tous les humains sont des mammifères, et les mammifères vivent en groupes) ! Il suffit d’un peu d’attention et de se mettre en quête des sources de son moi, de ce que l’on appelle ses tempéraments ou personnalités primaires, en le sentant et ressentant : qu’est-ce qui me procure une joie, un enthousiasme indicibles, qui me ressource quand je suis fatigué ? Quelles manières d’être et d’agir (et non pas d’obtenir) me réjouissent ? « Une œuvre d’art est le produit unique d’un tempérament unique. Sa beauté vient de ce que son auteur est ce qu’il est. En aucun cas de ce que les autres veulent. » Oscar Wilde avait souvent le mot de la fin. Si ce n’est d’art, la vie est toujours une œuvre. Encore faut-il la signer !
Photo : à la sortie de la Gare de Nantes, côté Nord, en septembre 2011, un plot de ciment devenu humain ?
mercredi 24 avril 2013