Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Hyperactivité
Qu’on ne s’y trompe pas : il y a une “vraie” et une “fausse” hyperactivité, même si les guillemets ont la rigueur de la relativité. Prendre l’une pour l’autre, et c’est le meilleur moyen d’en rester la victime ; directe quand on en souffre soi-même ; indirecte quand on fait partie de l’entourage d’une personne qui en souffre.
La “vraie”, on naît et on meurt avec. Elle est stable, d’une certaine manière, établie serait plus juste, inconditionnelle : elle se manifeste en toutes circonstances. La “fausse”, elle, est plus irrégulière, plus spécifique car réservée à certaines situations ou certaines actions. On ne naît pas avec, on la développe, mais on peut également s’en libérer définitivement, même si notre société contemporaine, en recherche perpétuelle de croissance, de consommations, de vitesse, d’efficacité, de performance (je m’essouffle), la cultive sans vergogne. Mais la société n’a pas toujours raison, et les individus qui la composent ont le droit, et sans doute également le devoir, de la contester, de toute bonne foi et sans plus de provocation. C’est peut-être la chance que nous offrent les personnes qui souffrent d’hyperactivité, “vraie” ou “fausse”. Peut-être souffrent-ils à ce point pour nous permettre de voir ce que nous ne voyons pas ou n’osons pas remettre en question ? Vous remarquerez que je ne dis pas “les hyperactifs”, sauf ici bien sûr (et c’est la dernière fois), car, “vraie” ou “fausse”, cette manifestation ne saurait représenter la personne qui en est traversée. Mais je dois reconnaître qu’il me faut être vigilant pour ne pas énoncer ce terme réducteur, je m’y astreins en tout cas, car notre illusionnisme culturel, familial et social, nous a tellement incité, et depuis si longtemps, à cataloguer à dessein de simplification et de facilité pour, en définitive, plus de complication et de difficulté.
En tout état de cause, il n’y a pas de raison d’en faire une maladie, c’est juste un symptôme. Et un symptôme, c’est une manifestation émotionnelle, sensationnelle, corporelle, psychique, qui survient toujours avec une autre chose, plus fondamentale mais non pas pour autant fatale, et qui cherche à la compenser. Avec quoi, en l’occurrence ?
Pour ce qui est de la “vraie” hyperactivité, qui ne concernerait que 5% de la population environ, avec une saturation du système périventriculaire, qui véhicule les émotions de fuite et de lutte jusqu’à l’urgence — réactives — ou du circuit de la gratification et de la récompense, qui véhicule les émotions d’activation de l’action — proactives. Les premières expliquent les attitudes sans cesse en mouvement et en action ; les deuxièmes, les attitudes à la recherche du seul plaisir, jamais rassasié, conduisant à une insatisfaction permanente et à l’ennui. Ces deux types de manifestations, hyperfonctionnelles, empêchent le territoire préfrontal du cerveau de jouer son rôle de régulateur de ces faisceaux neuronaux. Pour autant, c’est bien une voie thérapeutique majeure que de mobiliser les capacités du territoire préfrontal du cerveau, que les seuls médicaments ne sauraient proposer. Cela demande de la patience et de l’endurance, ce qui n’est pas le propre de l’hyperactivité et qui rend un accompagnement qualifié indispensable, et au plus tôt : écoute, indulgence, dédramatisation, responsabilisation, confiance et persévérance.
Pour ce qui est de la “fausse” hyperactivité, dont soit dit en passant on ne souffre pas toujours ou plutôt on n’a pas toujours conscience de souffrir, avec une impossibilité de se confronter, comportementalement, à tout ce qui ressemble de près ou de loin à la mort : attente, impuissance, paresse, non-contrôle, inactivité, incertitude... la liste est loin d’être exhaustive ! Bien sûr, certaines personnalités y sont plus prédisposées que d’autres, mais l’universalité de l’angoisse de mort explique sans doute que cette “fausse” hyperactivité soit autant répandue. Peut-être même nous a-t-elle permis de construire le monde humain jusqu’à aujourd’hui ? Saurons-nous jamais nous en libérer pour un monde meilleur, plus fluide et moins chaotique en tout cas ?
Photo : un tableau exposé au MoMA en août 2010, dont je n’ai noté ni le titre ni l’auteur...
vendredi 10 octobre 2014