Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Manipulation
La manipulation peut paraître inhumaine à notre esprit effarouché, trop ou pas assez humain justement, c’est à dire pas assez conscient de ce qui se joue là, et néanmoins non dépourvu de capacités humaines. Il se trouve que ce n’est pas faux, la manipulation est inhumaine, mais que ce n’est pas vrai non plus, elle est très humaine ! Car s’il n’y a pas de manipulation sans dominance (intimidation, pression, rabaissement, usage de la force jusqu’à la plus brutale), il n’y a pas non plus de manipulation sans mensonge, jusqu’à la mauvaise foi la plus insigne. Or le mensonge (de mens, qui signifie esprit, imagination), avec le rire, est bien le propre de l’être humain.
Comme en amour (tiens, tiens...), il faut être 2 pour qu’il y ait manipulation, parfois 3 ou beaucoup plus : 1 manipulateur, 1 manipulé et parfois, donc, 1 ou plusieurs témoins, tout autant manipulables sans doute que celui qui est manipulé, car faisant plus souvent le jeu, par aveuglement, par crainte, par irresponsabilité, autrement dit, là encore, par défaut de conscience, de celui qui manipule. Mais si les témoins ne contrarient en rien le jeu du manipulateur, par défaut de conscience donc, il en va de même de la personne manipulée. Le défaut de conscience n’épargne aucun des protagonistes, s’ils n’y prennent pas garde, s’ils se laissent vivre, s’ils laissent leur spontanéité s’exprimer. Aucun d’eux n’est hors de cause, c’est à dire excusable, que l’intention y soit ou pas.
Le défaut de conscience n’est pas tant le produit de l’ignorance, mais plutôt de ce que l’on tient pour vrai et qui ne l’est pas. Autrement dit, ce défaut relève plutôt des croyances ou des aversions (ce que l’on rejette par croyance), empêchant la conscience humaine, pourtant extensible presque à l’infini grâce à notre cerveau préfrontal, de se déployer. C’est dans cette brèche que le manipulateur s’engouffre, se servant des croyances et des aversions d’autrui comme d’appâts ou de leviers de déstabilisation, de trouble, pour mieux servir ses propres desseins, toujours inavouables et parfois échappant même à sa propre conscience. Car le manipulateur, dans le rapport de force qu’il instaure, comme le manipulé qui le subit, est un être pris par sa grégarité, autrement dit par son incapacité à se sentir seul, à être un individu à part entière. Un manipulateur recherchera toujours une personne manipulable, et leur point commun, à l’un comme à l’autre, est cette grégarité dont ils ne peuvent se libérer, à moins... d’en prendre conscience ! Et d’y remédier. Le manipulateur a ce besoin de dominer qui n’a d’égal que le besoin du manipulé d’être “pris en main”. Le manipulateur a autant besoin du manipulé que le manipulé a besoin de lui. Mais ce “pacte” n’est pas conscient, et c’est toujours le manipulé qui souffrira le plus de cette non-conscience. Car cette non-conscience est passive et contrarie la fonction même du système nerveux qui est d’agir. Et, bien sûr, sans parler de la manipulation qui va jusqu’à la violence physique même.
Mais le rapport dominant-dominé, que notre instinct grégaire alimente, ne suffit pas à la manipulation. Il en est sûrement le facteur le plus impressionnant, mais qui permet juste au manipulateur de verrouiller son action principale : satisfaire un bénéfice caché, car inavouable, et tellement inavouable parfois qu’il est devenu non-conscient (mais peu importe). Pour ce faire, le manipulateur va user du mensonge et bientôt de la mauvaise foi. La mauvaise foi est facile à reconnaître, mais moins facile à affronter quand on a une aversion pour le mensonge, entre autres : discours flou, imprécis, incohérent, contradictoire, changeant sans raison et niant l’évidence, inversant les rôles, répondant à des questions par des questions... Il faut se préparer à entendre tout ça, bien écouter et faire préciser à la personne tout ce qui paraît incompréhensible. C’est là peut-être qu’elle ira chercher ses capacités à dominer pour décourager, et c’est bien l’association de ces deux pratiques (mauvaise foi et dominance) qui fait la manipulation. Ce jeu de va-et-vient sera d’autant plus puissant que le bénéfice caché sera important pour le manipulateur.
Manipulation : de manus (main) et plenus (pleine).
Émancipation : de ex (en dehors), manus (main) et capio (pris avec).
Qui est émancipé (libéré de ses croyances comme de son instinct grégaire) n’est ni manipulable ni manipulateur, encore moins complice de la manipulation.
Cessons de croire, alors, et usons de nos capacités de conscience, regardons les choses avec attention, au premier rang desquelles : nous-même !
Photo : la pieuvre des Machines de l’Île, à Nantes
mardi 18 février 2014