Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Franchise
Faire preuve de franchise, c’est être libre. Car être franc, free (en anglais), frei (en allemand), oui, c’est être libre. Pour les habitants de la France, ce serait presque un devoir d’ailleurs, puisque cela nous a baptisés. Mais les Francs doivent probablement leur nom, comme les Saxons, à l’arme qui les fit victorieux et célèbres : leur lance. Cela fait froid... dans le dos! On mesure l’ampleur de la tâche, donc, quand on sait — et qui ne l’a jamais ressenti ? — que la liberté expose à l’une des quatre grandes peurs existentielles de l’être humain, le risque de s’engager ou de décider, avec la mort, la solitude et le non-sens. C’est sans doute pour cela, seulement en partie bien sûr, que le mensonge est aussi répandu.
Car doit-on être libre pour l’autre, à la place de l’autre, malgré l’autre ? D’aucuns nous reprocheront de ne pas être francs avec eux, mais le sont-ils seulement avec eux-mêmes ? Ne nous demandent-ils pas une liberté de parole qu’ils n’ont pas, justement, avec eux-mêmes ? Sont-ils capables, sûrement, mais surtout sont-ils prêts à entendre ce que nous aurions à leur dire si on se parlait franchement ? Sont-ils à même de remettre en question leurs propres opinions ? Et nous-mêmes, sommes-nous prêts à assumer ce que nous aurions à leur dire, avec toutes ses conséquences ? Serions-nous coupables pour autant de quoi que ce soit que notre manque de franchise cacherait ? La franchise comme la liberté nous renvoie toujours au rapport que nous entretenons avec nous-mêmes, et de fait avec les autres. Développons-nous les moyens de notre (modeste, forcément modeste) ambition d’être les individus que nous sommes, à part entière, émancipés, c’est à dire affranchis de toute dette envers autrui, et donc de toute influence ?
Et puis, est-il juste, pour l’autre comme pour soi-même, d’exprimer sa colère, par exemple, en toute franchise ? Si nous disons ce que nous ressentons (notre colère), pensons-nous vraiment les mots, les opinions que notre colère nous fera prononcer ? Sommes-nous réellement libres d’exprimer notre colère ou s’impose-t-elle à nous-mêmes ? Quelle marge de manœuvre laissons-nous alors à l’autre ? La vérité émotionnelle du moment est-elle notre vérité pleine et entière?
C’est sans doute Coluche qui a le mieux exprimé tout l’enjeu de la franchise : « La franchise ne consiste pas à dire ce qu’on pense, mais à penser ce qu’on dit. » On peut comprendre dans cette phrase que la franchise juste serait un judicieux mélange de franchise et de mensonge, en somme. Et le mensonge n’est-il pas rendu possible par l’esprit, et donc par notre capacité à penser, à élargir notre conscience, de soi comme des autres ? À être curieux, réceptifs, nuancés, incertains, réfléchis et individualisés ?
Peut-être faudrait-il alors préférer l’authenticité à la franchise : le mot authenticité signifie de l’auteur, c’est à dire de celui qui est lui-même, qui aspire à devenir ce qu’il est vraiment, un être sans cesse en évolution vers sa vérité personnelle, mais sans provocation aucune vis-à-vis de l’autre.
Photo : un bout de ciel vincennois, il y a sept ans... en quête de franchise !
vendredi 6 juin 2014