Un Psy et Coach à Nantes
Frédéric LE MOULLEC
Un Psy et Coach à Nantes
Frédéric LE MOULLEC
Conscience
Il n’y a pas de conscience sans émotions, ces remuements intérieurs qui ne demandent qu’à exulter pour se fondre dans une action. On peut choisir pour diverses raisons de se couper de ses émotions — et l’être humain excelle dans ce genre d’exercice —, on en perdra de sa conscience et il en naîtra, à terme, ce qu’on aura ainsi préparé : des symptômes, butés, obstinés, insaisissables car pleins du vide de la faille que l’on aura creusée en soi. Mais ceci est une autre histoire. En tout cas, quel choc quand nos émotions refoulées se rappellent à notre conscience !
La conscience commence donc avec la soif, la faim, la douleur, le désir sexuel... avec tout ce que le scientifique Derek Denton nomme les « émotions primordiales », ce qui nous octroie, de fait, une conscience minimale, basique ou fondamentale, dont la plupart des organismes vivants sont aussi bien pourvus que l’espèce humaine. Cela s’étend avec les « émotions primaires ou universelles » (peur, colère, tristesse, joie), puis les « émotions secondaires ou sociales » (honte, fierté, culpabilité, gentillesse...), pour reprendre les termes du célèbre neuroscientifique António Damásio, ou encore avec les « émotions d’arrière plan » (que l’on pourrait sans doute assimiler aux états d’âme), pour aboutir chez l’être humain à ce que Damásio nomme la « conscience noyau ».
Mais notre conscience ne s’arrête pas là. En suivant le principe de continuité nerveuse très bien décrit par Damásio, elle devient « étendue » grâce aux sentiments, émotions d’un genre particulier en ce sens qu’elles seraient métissées de pensées ou perceptions cognitives, donnant à moitié raison seulement à Descartes, dont Damásio a souligné l’erreur à travers son livre le plus célèbre. Car si «cogito ergo sum», “sentio ergo sum”, d’abord et avant tout ! Ce que les Grecs anciens avaient très bien perçu en choisissant le mot “noein” — littéralement flairer — pour dire l’action de penser.
Quand le cogito rejoint le sentio, nous sommes dans la troisième dimension de la conscience, celle de la «conscience étendue», donc, aux limites indéfinissables, propre à l’être humain, qui le dépasse lui-même, dont il a difficilement conscience et qui a pourtant inspiré à la poétesse Emily Dickinson des vers lumineux à propos du cerveau, un siècle avant l’apparition des neurosciences : «— plus vaste que le ciel — plus profond que la mer — le même poids que Dieu » !
Ainsi donc va la conscience, des parties les plus profondes et les plus basses de notre système nerveux jusqu’aux confins de notre corps même, pour s’étendre par les parties les plus récentes du cerveau, en l’occurrence le territoire préfrontal qui nous dote de fonctions de perceptions évolutives, plus ouvertes et plus souples dont la finalité est de nous permettre de nous adapter « en tout cas ». C’est sans nul doute cette « conscience étendue » qui nous permettrait de sortir des crises à répétitions, parfois des plus violentes, que connaît l’humanité depuis toujours. Nous progressons, nous étirons notre conscience au fil des temps, mais nous sommes encore loin de l’élongation !
En définitive, on pourrait presque dire que l’inconscient n’existe pas plus que le conscient. Il n’y a que la conscience, de l’infiniment petite à l’infiniment grande. Et ce qui fait la particularité humaine, c’est cette capacité à étendre sa conscience grâce aux propriétés inédites de son cerveau. C’est le cerveau qui fait la conscience. Encore faut-il en user. Et celui-ci ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Alors que risque-t-on ?
Photo : un Voyage à Nantes troublant pour notre conscience humaine, en juin 2012 sur la Place du Bouffay
jeudi 2 juillet 2015