Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Un Psy et Coach à Nantes et Paris
Frédéric LE MOULLEC
Éloge de l’émotivité
Hier soir, je suis allé voir en avant-première un joli petit film qui sortira le 22 décembre : “Les émotifs anonymes”. Ce film est un éloge de l’émotivité, justement parce qu’il ne cherche pas à le faire. Il nous montre l’émotivité telle qu’elle est, qui plus est sous l’angle de la comédie. On rit beaucoup, et ce rire ne peut être empreint d’aucune moquerie, il est là pour permettre un vrai recul, une dédramatisation non complaisante, qui nous rend plus lucides sur cette affection relativement répandue, à des degrés divers. Sans doute parce qu’il est réalisé par un excellent cinéaste, Jean-Pierre Améris, grand émotif lui-même, qui plus est. Un vrai. Je peux en témoigner pour avoir assisté à la petite discussion qui a suivi la projection.
C’est le cinéma, justement, qui a permis à Jean-Pierre Améris de dépasser les limites que lui imposait son hyperémotivité : parce que les salles obscures où l’on n’est plus sous le regard des autres ; parce que les vies sur l’écran, dans lesquelles on peut se projeter à loisir ; des vies qui sont tout ce qu’on ne peut pas vivre dans notre propre vie parce qu’on a peur de tout ! « Pourvu qu’il ne nous arrive rien ! », dit Jean-René, l’un des deux protagonistes, expression héritée de son père. Parce qu’en faisant de sa passion un métier, immanquablement stimulé par son hyperémotivité, Jean-Pierre Améris a dû aller au contact des autres, même s’il lui fallait parfois passer un après-midi entier à tourner autour de son téléphone avant de pouvoir appeler son interlocuteur ! L’émotivité émue et mue, dépassée, par l’émotivité elle-même!
Et puis le film est aussi une très belle histoire d’amour entre deux grands... émotifs ! L’amour, peut-être ce qui fait le plus peur à chacun d’entre nous. Alors, deux grands émotifs, pensez !
Au fond, les émotifs, malgré les apparences, finissent peut-être par devenir plus courageux que les autres. Parce qu’ils affrontent sans cesse leurs peurs, puisqu’ils ont peur de tout. Parce qu’ils éprouvent sans cesse leurs émotions, puisqu’ils sont hyperémotifs, en créant des mondes à eux qui leur permettent de traverser LE monde. Ils apprennent à surfer sur les vagues successives et ininterrompues de leur peur permanente du monde environnant. Le courage n’est pas un trait de personnalité, pas plus qu’il n’est une qualité ou une force, c’est un formidable aveu de faiblesse, sans cesse à recommencer, sans jamais s’y complaire.
Cela me rappelle que Henri Laborit a écrit en son temps un remarquable “Éloge de la fuite”. La Fuite : le premier de nos états émotionnels, dans lequel on retrouve l’anxiété, l’angoisse, la gêne, le malaise, la honte, en un mot... la Peur ! Qui peut tout aussi bien nous pousser à créer un monde. Bien à nous. Nouveau. Plus juste. Sans pour autant refuser celui qui nous entoure. (« Aguantar », encore et toujours !) Comme l’a fait Jean-Pierre Améris.
Au terme de la petite discussion, je n’ai pas osé aller voir Jean-Pierre Améris pour lui dire tout le bien que je pensais de son film, pas plus que je n’ai osé lui poser une seule question pendant la même discussion. Je me suis senti tout petit à côté de ce Monsieur. Et j’ai eu envie de déposer ces notes sur le blog !
vendredi 10 décembre 2010