Un Psy et Coach à Nantes
Frédéric LE MOULLEC
Préfrontale expérience
Tout se passe là, derrière le front. C’est là que l’humanité a vraiment commencé (probablement 15.000 ans avant JC, cf. la Grotte de Lascaux) et là que se situe l’avenir de l’humanité, et de chacun d’entre nous. Hier j’étais interrogé par une journaliste au sujet du stress chronique. Après m’avoir beaucoup questionné sur le stress lui-même, elle m’a bien sûr demandé s’il n’était pas une fatalité dont nous ne pouvions sortir. Et je lui ai parlé du cerveau préfrontal dont j’ai déjà parlé ici et là, de ses capacités et de la manière dont on pouvait les stimuler. Pour mieux lui faire comprendre ce qu’était et permettait de faire le cerveau préfrontal, j’ai fait appel alors à un souvenir, que je ne suis pas prêt d’oublier, d’une préfrontale expérience durant mes années de coureur à pied, un comble ! Mais qui a dit que l’on courait avec ses pieds ? Je jure que je n’avais absorbé des produits d’aucune sorte si ce n’est de l’eau bien claire, pas plus des décoctions de quelconques plantes hallucinogènes, mais ce jour-là, je me suis vu courir et je courais en même temps, comme si j’avais été au-dessus de mon corps, j’étais en haut et en bas, partout à la fois, le temps était ralenti et pourtant je n’étais jamais allé aussi vite, je voyais et sentais (presque, plus sûrement) tout ce qui se passait, je fis les choix d’accélérer ou de temporiser en fonction des autres concurrents et des difficultés du terrain aux moments opportuns, je pris des risques aussi, calculés, je dialoguais avec moi-même, je plaisantais et riais intérieurement, et ressentis un état de bien-être comme jamais, alors que j’étais dans un effort intense. Et bien sûr je franchis la ligne d’arrivée le premier, très loin devant tout le monde.
Certains pourraient penser que je l’ai rêvé, mais cela s’est bel et bien passé, on peut vérifier, un jour de début décembre 1985, lors du Cross Court International de Vanves. Sur le coup, moi qui suis rationnel de nature, je crus à la magie et à l’état de grâce, que j’eus beaucoup de mal à retrouver par la suite, et jamais avec cette même ampleur. Des années plus tard, lorsque j’ai découvert avec Jacques Fradin l’Approche Neurocognitive et Comportementale, j’ai compris ce qu’il s’était passé.
J’étais très stressé au départ de la course. Je m’étais beaucoup entraîné les deux semaines et les jours précédents, et j’étais fatigué physiquement. J’avais décidé de prendre cette course comme un entraînement plutôt que comme une compétition. Or je m’étais présenté sur la ligne de départ comme un compétiteur qui se sait diminué et qui pourtant nourrit de grandes ambitions. Dès les premiers mètres, mon mal-être était tel que j’ai commencé à m’invectiver puis à me poser des questions ouvertes et franches : « Pourquoi t’es là, au fait ? Pourquoi espérer gagner alors que tu avais prévu de faire un entraînement ?»
Ces deux questions m’ont soudain fait changer complètement d’état d’esprit et de place, et je m’entends encore me dire : « Va, tu es là pour courir, tu en profites pour faire le point, va dans tes sensations, ne force pas, vois ce qui se passe et fais-toi plaisir ! » On connaît la suite.
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